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29
mars vendredi

Discours de François Hollande au dîner officiel

Discours de François Hollande au dîner officielLa Havane, le 2 février (ACN). Tout de suite l'agence cubaine d'information va retransmettre en intégralité la version finale des déclarations prononcées par le mandataire François Hollande, Pésident de la République française lors du dîner officiel en l'honneur du général d'armée Raúl Castro Ruz, Président du Conseil d'Etat et des ministre de la République de Cuba au Palais de l'Elysée, le 1er février 2016.

Monsieur le président, cher Raúl CASTRO,
Monsieur le président du Sénat,
Monsieur le président de l'Assemblée nationale,
Mesdames, Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs,
Vous êtes tous ici des amis de Cuba et vous vouliez être autour du président Raúl CASTRO et de moi-même pour rappeler la force de l'amitié entre nos deux pays.
C'est avec plaisir que j'accueille le chef de l'Etat cubain ainsi que son importante délégation. C'est la première visite d'Etat d'un dirigeant cubain depuis l'établissement de nos relations diplomatiques ; en ce sens, cette journée est historique. L'année dernière, j'avais été le premier chef d'Etat occidental à être accueilli à Cuba, beaucoup d'autres et je ne m'en plains pas ont suivi et presque le monde entier veut accompagner Cuba dans son développement et dans son ouverture.
Je me suis réjoui des gestes qui ont été accomplis ces derniers mois par le président OBAMA mais le plus important reste à venir ; c'est la levée de l'embargo unilatéral qui depuis trop longtemps inflige des souffrances inacceptables au peuple cubain et entrave les échanges que l'on peut avoir avec ce pays.
La France fut l'une des premières Nations à dénoncer à l'ONU cette décision d'embargo et de blocus. Et notre diplomatie soutient chaque année à l'Assemblée générale la résolution sur la nécessité de lever cette décision.
De même, la France a la volonté de rapprocher l'Union européenne et Cuba en revenant sur ce qu'on appelle la « position commune » et qui n'est rien d'autre aussi qu'une entrave aux échanges qui a perdu tout son sens.
Je vous avais dit à La Havane l'affection du peuple français à l'égard de votre pays, Monsieur le président. En effet, nos liens remontent au XVIe siècle et je ne suis pas allé plus loin de peur de faire des erreurs historiques. Et il semble que c'est au XVIe siècle que des corsaires français, il en existait déjà, arrivèrent sur les côtes cubaines. La ville de Cienfuegos fut fondée par des Bordelais et l'architecture et la culture française y sont encore très présentes. Ensuite, des Français sont venus s'installer à Cuba après la révolution d'Haïti pour y implanter la culture du café que nous poursuivons aujourd'hui au travers du commerce équitable et d'ailleurs, un accord a été signé dans ce sens cet après-midi. Puis, les idées ont circulé avec les hommes. Nous savons ce qui nous réunit, nos deux drapeaux portent les couleurs bleu-blanc-rouge et votre hymne La Bayamesa a des accents de La Marseillaise. Nous partageons un même attachement à l'indépendance.
José MARTI, votre héros national, alors en exil en France l'avait évoqué avec Victor HUGO lors de leur célèbre rencontre. Le courage des insurgés cubains et notamment des femmes lui inspira quelques-unes de ses plus belles pages
Plus tard , bien plus tard dans la deuxième partie du XXe siècle , nous sommes conscients de ce que Cuba a pu représenter pour les peuples qui cherchaient leur libération et ici, il y a des femmes , des hommes qui ont appuyé votre révolution. Puis nos deux pays ont construit malgré les tensions internationales, malgré un certain nombre de divergences des relations apaisées, François MITTERRAND avait accueilli Fidel CASTRO lors d'une visite privée, c'était en 1995 mais je l'ai dit, jamais un chef d'Etat cubain n'avait été présent en visite officielle en France.
Je vais vous rappeler que nous connaissons bien nos différences mais ce qui nous unit est plus fort. Nous n'avons pas toujours les mêmes conceptions sur tous les sujets, notamment sur les droits de l'homme, mais notre amitié nous permet d'en parler librement et c'est là l'essentiel.
Cuba est respectée et écoutée dans toute l'Amérique latine.
Je veux saluer un rôle essentiel que vous avez joué, Monsieur le Président, dans le processus de paix pour la Colombie dont les négociations se tiennent à La Havane et qui visent à mettre un terme à un conflit qui dure depuis plus de soixante ans. Cette solution n'aurait pas été trouvée sans la médiation cubaine.
De même, les liens étroits que Cuba entretient avec le Venezuela sont un atout pour faire prévaloir le dialogue dans ce pays et entre ce pays et ses voisins et je n'oublie pas la solidarité dont Cuba fait preuve à l'égard de l'ensemble du continent, chaque fois qu'il y a une épreuve. Je pense notamment à l'espace de la Caraïbe où la France est présente au travers de ces collectivités d'outre-mer, c'est la raison pour laquelle je dis que la France et Cuba sont des pays voisins. Nous travaillons avec vous pour développer l'ensemble de la région.
Enfin, je veux souligner combien la voix de Cuba a été utile et Laurent FABIUS pourra en témoigner le 12 décembre lors de la Conférence de Paris sur le climat mais dans cette nuit du 12 décembre il y avait une autre négociation, sans doute le plus discrète mais essentielle pour Cuba. C'est le Club de Paris qui se réunissait et qui a décidé cette nuit-là d'annuler la dette cubaine.
Je tenais à respecter l'engagement que j'avais pris devant vous lors de ma visite l'année dernière, cette décision va favoriser l'accès de Cuba à des financements internationaux et d'abord les nôtres, l'Agence Française de Développement apportera sa contribution, les entreprises françaises et je salue ici ses représentants sont également prêtes à investir davantage. La feuille de route économique qui vient d'être signée entre nos deux pays établit la liste des domaines et d'ailleurs ils ne sont pas limitatifs. Il y a l'infrastructure, l'agroalimentaire, l'environnement, l'énergie, le tourisme et je pourrais ajouter la culture car je veux ajouter la culture. Elle a toujours rapproché nos deux pays.
Alejo CARPENTIER, l'auteur du Siècle des Lumières et du Partage des eaux, fut longtemps le représentant de Cuba à Paris. Les idéaux de la Révolution française ont inspiré son œuvre et son amitié avec Robert DESNOS a inspiré son amour pour notre langue. Pour certains qui s'en souviennent, Alejo CARPENTIER avait participé à des émissions à la télévision notamment Bernard PIVOT et avait considérablement ému par le témoignage qu'il faisait de son pays et par le lien qu'il voulait établir avec la culture française. Cette relation culturelle s'est poursuivie et en ce moment même le peintre Wilfredo LAM est mis à l'honneur au Centre Pompidou. Je rappelle qu'il vécut à Paris et fut un ami de Picasso.
Le festival du film français à La Havane – c'est la 18e édition – a eu lieu en avril dernier et constitue un lieu exceptionnel de partage des œuvres.
Nous avons voulu aussi qu'un mois de la culture française puisse être organisé cette année à Cuba ou plutôt c'est vous qui l'avez voulu et nous y avons volontairement et agréablement consenti.
Les événements majeurs se préparent notamment des concerts je sais qu'ici il y a un disc-jockey qui est particulièrement célèbre et qui va devenir une réalité pour les Cubains, alors que pour nous il est un voisin !
Nos deux pays partagent le même attachement également pour l'éducation, la science. Je souhaite que les étudiants puissent circuler encore plus facilement, que nous puissions en accueillir davantage venant de Cuba et nous travaillerons ensemble pour la reconnaissance des diplômes.
En mai dernier lors de ma visite à La Havane, j'ai eu cette chance d'inaugurer le siège de l'Alliance française ; elle est installée dans un lieu magnifique, un des plus beaux immeubles de la capitale cubaine le Palacio Gomez. Je rappelle que c'est grâce à Che Guevara, alors ministre de la République cubaine, que la France a eu la chance de disposer de cette institution à La Havane et aujourd'hui 12 000 Cubains y apprennent le français. Voilà pourquoi là aussi, ce fut un moment particulier d'émotion.
« Un pays cultivé est toujours fort et libre, même s'il n'a pas toutes les richesses du monde », disait José MARTI. Là, se situe pour la France ou pour Cuba notre capacité de résistance, résistance aux épreuves et nous l'avons montré encore l'année dernière et vous aussi dans d'autres circonstances, vous savez résister aux épreuves.
La France vous accueille, cher Raúl CASTRO, convaincu que les talents de la France, ses ressources, ses entreprises sauront accompagner Cuba dans son développement original et en respectant son identité.
Et c'est pour célébrer l'amitié entre la France et Cuba que je lève mon verre aujourd'hui à vous et à votre délégation !
(Applaudissements).